Récit du premier Comité de pilotage, Mardi 22 juillet 2025.
10h du matin. Une ambiance estivale flotte distraitement dans l’air. Sur les écrans, la tension est douce et bienveillante : c’est la première réunion du comité de pilotage d’Icifornie.
Les partenaires financiers et opérationnels sont là, réunis en visioconférence pour faire le point sur une première saison d’exploration, entre septembre 2024 et juin 2025. Une aventure encore jeune, mais déjà riche en enseignements.
Apprendre à faire ensemble
Gilles (le Kl’hub) présente le bilan qualitatif et financier. Cette première phase de structuration a permis aux deux têtes de pont du projet, le Kl’hub et l’organisme de formation AFEPT, d’apprendre à travailler ensemble : inventer un langage commun, construire des outils de coordination, poser un socle de confiance.
« On a voulu être dans la coordination partagée, prendre l’avis de tout le monde. On est arrivé à quelque chose d’à peu près stable aujourd’hui sur notre fonctionnement. »
Mais la stabilité reste relative. Les deux concepts phares d’Icifornie (la conciergerie de formation solidaire et la formation distribuée) demandent encore à être apprivoisés.
« Sur la formation professionnelle continue, au Kl’hub, on a dû monter en compétences sur ce sujet très technique. »
Une prudence budgétaire, un bénévolat surinvesti
Côté finances, Gilles note une sous-consommation sur les frais de mission et de personnel. L’engagement bénévole a pris le relais, surtout au Kl’hub.
« On a mis le paquet sur la participation bénévole. On aurait dû justifier les déplacements ici. »
Eugénie (Région) alerte : un plafond de 30% de valorisation bénévole a été fixé.
Gilles rassure : « On a joué la prudence en trésorerie, mais on veut aller sur deux voire trois recrutements à temps partiels d’ici la fin de l’année. »
Des outils, des récits, mais encore fragiles
David (Région NA) interroge :
« Ces outils vous semblent-ils suffisamment opérationnels pour être partagés à d’autres tentatives régionales, afin de commencer à essaimer ? Cette phase d’apprentissage mutuel fera-t-elle l’objet d’une restitution particulière ? À travers la mise en récits peut-être ? »
Gilles tempère :
« Il faut encore qu’on consolide nos outils. On explore des terrains d’expérimentation hyper variés qui nous demandent de nous adapter au quotidien, au cas par cas.
On est en train de pousser les portes d’un nouveau monde, avec des collaborations parfois inattendues, et d’autres à construire. Il y a peut-être une sorte d’outil vivant à inventer.
On a une trame d’organisation avec un suivi des parcours de formation, des activités, des partenariats, de l’état financier. Un whatsapp qui fonctionne bien et nous permet de partager le quotidien. Et le récit qui permet de garder mémoire et capitaliser pour demain. Mais rien d’essaimable dès aujourd’hui. »
Jean-Yves (AFEPT) complète :
« Les outils imaginés vont être à l’épreuve du feu sur la phase opérationnelle qui arrive. Et je ne doute pas qu’il va y avoir besoin d’ajustements. »
Premiers résultats, premiers modèles
- Une première apprenante en conciergerie : Louise, en contrat d’apprentissage au Kl’hub, suit une formation distribuée mise en place par l’AFEPT. 10 semaines en tout : 5x2j de regroupement à Bordeaux, le reste à distance.
» Louise est notre bêta-testeuse ! On a voulu tester chez nous, pour montrer que ça fonctionne. » - Palette des possibles : une formation d’un mois pour travailler sur son projet professionnel, financée par la Fondation Entreprendre, pensée pour les jeunes du territoire. Les jeunes prescrits par la mission locale n’ont pas répondu… Mais trois jeunes migrants de Mugron ont participé, fabriquant meubles et lampes à partir de palettes recyclées.
« Ils se sont éclatés », témoigne Gilles.
Trois parcours de formation ont suivi : AFPA Mont-de-Marsan (installateur thermique sanitaire), CAP menuiserie à Morcenx, CAP plomberie à Pau (bloqué faute de n° de sécu définitif). Les obstacles restent nombreux, notamment linguistiques. - AFEST pour CASMAU (Hagetmau) : une formation sur-mesure à Hagetmau avec le collectif d’artisans : un besoin partagé de compétences rares (couturières d’ameublement).
» En les écoutant, on se rend compte qu’ils ont des besoins très spécifiques en compétences rares et souhaitent que les formations correspondent davantage à leurs spécificités, pas toujours reliées aux référentiels RNCP. On a eu l’idée de partir sur une AFEST, mais notre formatrice vient de se désister.. »
Répondre à un besoin spécifique sur le territoire : l’enjeu est de co-construire avec entreprises et formateurs tout le référentiel de formation en situation de travail pour que ce soit un capital qui reste dans l’entreprise (ici le collectif d’artisans), qu’elle soit ensuite autonome pour former sur ces compétences particulières.
Cette formation hybride repose sur des temps de formation sur le lieu de travail, avec consolidation tous les vendredis à la conciergerie au Kl’hub. Elle a pour objectif d’aboutir à 6 recrutements.
- Conseillers numériques avec l’ALPI
« Nous avons remporté un appel d’offre de l’ALPI. On a souhaité lui donner une couleur différente : proposer une formation ciblée pour les commerçants et les artisans, afin de ne pas entrer en concurrence avec les conseillers numériques qui font de l’accompagnement de besoins numériques personnels. On va accueillir les apprenants ici au Kl’hub, au cœur de la conciergerie.«
- La Smalah a été retenue pour faire la formation des médiateurs numériques sur le volet Fablab.
« Avec notre Fablab mobile nous allons faire de la formation distribuée entre fablabs pour que les médiateurs numériques sur des sujets spécifiques puissent monter en compétence sur cette brique car ça rentre dans le référentiel aujourd’hui. On va accueillir cela dans notre conciergerie.«
- Accompagner le CFPPA dans ses besoins en formation.
Béatrice : « La directrice du CFPPA a très bien compris notre principe de conciergerie et a besoin de soutien. Nous allons répondre ensemble à un appel à projet pour des formations en communication et sur la posture, à destination des agriculteurs. L’enjeu est de réduire le décalage générationnel entre les tuteurs et les jeunes : on ne parle pas le même langage et ça ne fonctionne pas. Il y a besoin d’accompagnement pour marier la carpe et le lapin, comme dit Gilles 😉. »
- Intégration dans l’écosystème RPE (CLPE & Task Force Entreprises).
Le Kl’hub, avec son sac à dos « Ma réussite pro Chalosse » et « Icifornie » a été sollicité pour rejoindre le Comité Local pour l’Emploi (CLE) et la Task Force Entreprises Est Landes. « Nous avons rencontré tous les chefs d’établissement des ESM (établissements sociaux et médico-sociaux : Ephad, ambulances etc) pour recenser leurs besoins en recrutement. »
Dans cette Task Force Entreprise figurent les chargés de relation entreprise des EPCI, les chambres consulaires. « La différence quand même, c’est que dans ces instances le Kl’hub est bénévole. Ce n’est pas une action financée par France Travail ou l’État. Les chambres consulaires, le département, France Travail, on est avec eux et on fait la même chose mais pour nous, c’est de la solidarité : les entrepreneurs que nous sommes sont bénévoles pour le territoire. Je veux juste le noter. C’est une dynamique que l’on cherche à tenir dans les actions que l’on mène pour un territoire. »
Eugénie : « Ces temps-là ne sont pas financés dans Icifornie ? »
Gilles : « Non, les temps bénévoles que tu as vus dans le tableau récap n’intègrent pas ces temps-là. On déborderait largement les 30%. C’est du temps que l’on donne en plus. »
David : « On avait l’ambition de toucher des personnes plutôt éloignées de l’emploi, sans grande qualification. Est-ce que ce public-là va bien être pris en compte dans les perspectives ?
Est-ce que l’articulation avec France Travail vit bien ? Pour que des projets émergent de celles et ceux qui sont peut-être en difficulté pour aller se former dans un lieu plus lointain ? »
Gilles : « Avec France Travail on a une relation assez exceptionnelle, parce qu’on est dans le RPE, on est dans les CLE et parce qu’on a une action qui s’appelle « Ma réussite pro Chalosse », financée par la DREETS. Dans chaque agence France Travail nous avons un référent dédié.
Nous allons ouvrir « Ma réussite pro Chalosse » à de nouveaux publics : les parents solos, mais aussi les hommes seuls de + de 50 ans et les aidants familiaux. L’employabilité et le développement des compétences n’a pas forcément été leur priorité. Potentiellement on va pouvoir les accueillir dans Icifornie. »
Ouverture et visions d’avenir
- Campus Connecté de Mont-de-Marsan : bientôt une antenne test du campus dans la conciergerie. « Nous les avons rencontrés via Mathieu Duchaussoy du PETR, et ça a plutôt bien matché ! »
Le campus compte deux tutrices et 50 étudiants. Catherine, la responsable du développement économique et de l’enseignement supérieur de Mont de Marsan, qui porte le campus, en aimerait bien 25 de plus et une autre tutrice à mi-temps. Nous lui avons proposé un mi-temps partagé, avec 25 étudiants de plus au campus, et 25 dans la conciergerie. »
L’idée est de distribuer le DU de Fabmanager (ce DU n’existe actuellement qu’à l’Université de Cergy Pontoise).
« Notre fabmanager au Kl’hub, Rémy Monvoisin, a suivi cette formation. Il est aussi l’animateur du réseau régional du RFFLab, ça pourrait faciliter les mises en relation pour avancer sur ce sujet et pouvoir conventionner cette formation. Ça avance bien. Il nous reste à conventionner avec l’Alliance des universités« . (Cergy fait partie d’un réseau).
L’objectif : tester ce DU dans la conciergerie avec 2-3 apprenants sur la session de février 2026.
« On est aussi sur des discussions de partage de la chaîne de valeur, car on ne le fera pas gratos. Mais ça avance, on s’est parlé en vérité. »
« Ça doit pouvoir intéresser d’autres fablab de la Nouvelle-Aquitaine. Je pensais qu’il y avait davantage de formations plus proches… » remarque Eugénie (Région NA).
Gilles : « Cela nous donne des idées. Pouvoir proposer des formations de Bac-2 à Bac+5, accompagner des personnes en reconversion qui ne trouvent pas leur place parmi les campus et autres formations initiales par exemple.«
- Réflexions sur le BPREA pour les reconversions agricoles :
Gilles : « Mélanger des adultes en reconversion avec des jeunes en formation initiale n’est pas simple. Cette formation est déjà disponible pour 20% en distanciel, mais aimerait aller au-delà. C’est là que la conciergerie peut aider. »
Chaque cas demande une ingénierie particulière, de l’inventivité. C’est un vrai challenge pour nous. – Jean-Yves (AFEPT)
Ce qu’on retient
Proposer quelque chose d’ultra personnalisé en étant présent sur le territoire, cela débloque des situations. La relation humaine est clé, mais elle prend du temps.
Derrière la relation humaine, il y a des kilomètres !
Beaucoup d’acteurs locaux ne connaissent pas encore ces nouvelles modalités. L’acculturation n’est pas si simple.
La démarche est exigeante en créativité et en réactivité.
On est un réceptacle à problèmes. Ça veut dire qu’il n’y a pas de solution toute faite, il faut être à l’écoute.
Gilles : « On est tous en train de grandir. On vit des parcours initiatiques non diplômants, mais riches ! On a été sollicités par des organismes de formation et des Tiers-Lieux pour essaimer la conciergerie, mais c’est encore un peu tôt. Patience, on arrive bientôt. »
Besoins et prochaines étapes
- Trésorerie : un acompte de la Région sera nécessaire d’ici fin 2025.
David intervient : « Jade Vigneron est votre interlocutrice à ce sujet, elle va vous éclairer sur ce que vous pouvez percevoir en fonction des dépenses envisagées. Attention au 15 novembre s’arrêtent les versements de l’année pour la région. Ne tardez pas à faire votre demande. »
- Financements complémentaires : « Le partage de la chaîne de valeur sur les parcours de formation est encore un peu timide. Il nous faut trouver d’autres sources de financement. Peut-être du côté de Novapec. »
- Professionnalisation : « Avec notre nouveau cabinet comptable, on a enfin des outils magiques, qui permettent un pilotage analytique sur toutes les activités du Kl’hub. Une grosse montée en compétences, c’est très structurant pour nous. »
- Communication : plaquettes, affiches, flyers, présentation PowerPoint, tout existe… Mais nécessite davantage de clarté.
David : « Ce qu’il nous faut maintenant, c’est du tangible, porté par le récit. Cette manière d’accompagner est inédite pour nous. Des restitutions concrètes nous aideront à mieux en saisir la portée et envisager son essaimage. »
Eugénie : « Il faut qu’on comprenne ce que vous faites, la portée opérationnelle d’icifornie, pour pouvoir l’expliquer à d’autres. Je participe à la JPTO (Journée des portes toujours ouvertes des Tiers-Lieux) début octobre, une belle occasion de faire parler du projet. »
Gilles : « Il y a un réel intérêt pour les Tiers-Lieux : avoir une vente de services qui les stabilise dans la durée, ne pas juste servir d’espace pour les organismes de formation mais devenir partenaires.
Cette stabilité économique est clé pour les acteurs de l’Économie Sociale et Solidaire. Comment devient-on résilient demain ? En créant de la richesse et en partageant la chaîne de valeur.
L’intérêt pour l’organisme de formation est tout aussi clair. Quand on dit « on va te donner 3 apprenants à distance pour que tu puisses ouvrir ta session de formation » : l’organisme de formation pige vite. Le concept n’est pas simple mais l’intérêt, lui, est simple. »
Une suite attendue
Un prochain COPIL à caler en fin d’année, si possible en présentiel. Enrichi cette fois de témoignages et de parcours concrets.
Béatrice : « On prévoit des plateaux canard pour le déjeuner !«
David : « la première étape était bien de poser une base commune. Le démarrage réel concret, c’est l’enjeu pour la suite. Ce projet est intéressant mais complexe dans sa conception et sa mise en œuvre. Il faudra qu’on soit pédagogues et clairs pour le présenter à d’autres, qu’on comprenne de quoi on parle. On est sur un sujet nouveau et il est important de réfléchir aussi à une communication adaptée. Peut-être qu’on s’appuiera sur la mise en récits pour rendre compréhensible et simple quelque chose qui n’est pas si simple. »
Gilles, en clin d’œil final :
Ce ne sera peut-être pas la petite maison dans la prairie, il y aura peut-être des couacs… Mais on aura une histoire à raconter.
Pour aller plus loin :
AFEPT : Organisme de formation, partenaire fondateur d’Icifornie
AFEST : Action de formation en situation de travail
ALPI : l’Agence landaise pour l’informatique
BPREA : formation obligatoire pour pouvoir s’installer en tant qu’entreprise agricole.
Campus connecté de Mont de Marsan
Collectif d’artisans CASMAU à Hagetmau
CLE : Comité local pour l’emploi
CFPPA : Centre de formation professionnelle et de promotion agricole
DREETS : Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités.
DU Fablab manager
EPCI : Etablissements publics de coopération inter-communale
Fablab
Ma Réussite Pro Chalosse
Novapec : soutien à l’innovation sociale
Palette de possibles
PETR : pôle d’équilibre territorial et rural
RFFLabs : réseau français des Fablabs, espaces et communautés du Faire
La Smalah : association d’éducation populaire à Saint Julien en Born
Task Force Entreprise : organisation locale portée par France Travail pour simplifier les recrutements en entreprise.



